Siyarou, 30 janvier 2025 — La frontière entre l’Éthiopie et Djibouti a été le théâtre d’une attaque de drones meurtrière visant des civils Afar. Peu après 19 heures, des frappes aériennes, attribuées à l’armée de l’air djiboutienne sous les ordres du Colonel Wahib Moussa Kalile, ont frappé le village de Siyarou, situé du côté éthiopien de la frontière. Selon plusieurs sources locales, le bilan s’élève à au moins huit morts et de nombreux blessés, poussant les habitants à fuir dans des conditions dramatiques.
Les scènes de désolation qui ont suivi l’attaque rappellent la fragilité de cette région frontalière, déjà marquée par des tensions persistantes. Les images diffusées sur les réseaux sociaux montrent des habitations en ruines et des familles endeuillées. Les organisations de défense des droits de l’homme, dont la Ligue djiboutienne pour les droits de l’homme (LDDH) et l’association pour le respect des Droits de l’Homme à Djibouti (ARDHD) ont qualifié ces frappes de “barbares” et “disproportionnées”.
Une agression prétextée par des préoccupations sécuritaires
Cette attaque s’inscrit dans un contexte politique et militaire explosif. Le gouvernement djiboutien justifie ses opérations militaires par la nécessité de lutter contre le Front pour la Restauration de l’Unité et de la Démocratie (FRUD), un mouvement de résistance qui opère depuis les régions reculées de Djibouti. Toutefois, la population civile, les organisations de droits humains et l’opinion publique considèrent cette justification comme un prétexte pour intensifier la répression contre la communauté Afar, qui subit une marginalisation croissante.
Les exactions militaires djiboutiennes dans la région ne datent pas d’hier. Deux attaques aux drones armés avaient déjà eu lieu dans la même zone, le 30 décembre 2024 d’abord, causant la mort de 2 bergers afars, puis le 3 janvier 2025, ne causant que des dégâts matériels cette fois. Déjà, en février 2024, l’armée de Djibouti avait franchi plus de 15 km en territoire éthiopien et capturé 36 personnes, toujours détenues à la prison civile de Gabode à Djibouti. L’attaque du 30 janvier marque donc une escalade dangereuse qui pose la question de la souveraineté éthiopienne et du rôle ambigu du gouvernement d’Addis-Abeba face à ces incursions.
Le spectre des drones militaires et la responsabilité des puissances étrangères
L’utilisation de drones armés par Djibouti met en lumière une tendance inquiétante sur le continent africain : la prolifération des technologies de guerre autonomes. Des rapports indiquent que Djibouti se serait procuré ces drones auprès de la Chine et de la Turquie, soulevant des questions éthiques et diplomatiques sur la responsabilité des pays fournisseurs. Ces armes de précision, initialement destinées à des opérations militaires ciblées, sont désormais employées contre des populations civiles, exacerbant les tensions régionales.
La communauté internationale, bien que consciente de ces dérives, peine à réguler efficacement ce marché en pleine expansion. Le droit international humanitaire interdit pourtant les attaques visant des civils. Or, les condamnations officielles restent timides et aucune sanction concrète n’a été prise contre le gouvernement djiboutien, épargné par ses alliances stratégiques avec des puissances étrangères installées sur son sol, telles que la France, les États-Unis ou la Chine.
Un appel à la justice et à une réponse internationale
Alors que les survivants de Siyarou pleurent leurs morts, les voix s’élèvent pour exiger une enquête indépendante sur cette attaque et une réaction immédiate de la communauté internationale. Les Nations Unies et les organisations de Droit Humain doivent agir pour empêcher de nouvelles violations des droits humains dans cette région vulnérable.
Si aucune mesure n’est prise, cette attaque pourrait marquer un tournant dans l’emploi des drones armés en Afrique, ouvrant la porte à une militarisation accrue des conflits internes et frontaliers. Il en va non seulement de la stabilité de la corne de l’Afrique, mais aussi du respect des principes fondamentaux du droit international.
Les civils, de Afars de la République de Djibouti et de la région Afar d’Éthiopie, pris au piège entre les ambitions politiques et les stratégies militaires, ne doivent pas être les victimes oubliées d’une guerre silencieuse.