Djibouti : une déflation qui ne profite pas aux ménages

Djibouti, avril 2025 – Selon la dernière note de conjoncture économique publiée par le ministère des Finances, appuyée par les chiffres de l’INSTAD, l’année 2024 s’est clôturée sur une légère déflation de 0,6 %. Un chiffre qui, sur le papier, pourrait suggérer un apaisement des pressions sur les prix. Mais dans la réalité quotidienne des ménages djiboutiens, l’effet bénéfique de cette baisse reste largement imperceptible. Pourquoi ? Parce que le pouvoir d’achat des citoyens reste structurellement déconnecté de ces dynamiques macroéconomiques.

Une baisse des prix, mais pour qui ?

La déflation, phénomène rare en Afrique de l’Est, traduit une baisse généralisée des prix à la consommation. Elle est souvent interprétée comme un signal de ralentissement économique, ou parfois comme un répit momentané pour les consommateurs. Mais à Djibouti, ce mouvement s’inscrit dans un contexte de stagnation des revenus, de chômage latent et d’inégalités structurelles.

Les prix baissent, mais les salaires, eux, ne bougent pas. Le Smic reste figé, les revenus des fonctionnaires stagnent, et le secteur privé, dominé par l’informel, ne garantit aucune forme d’ajustement automatique. Résultat : les Djiboutiens ne sentent aucun allègement réel dans leur quotidien. Le coût du logement, du transport ou encore de certains produits importés reste élevé. La baisse ponctuelle de quelques postes de consommation ne suffit pas à inverser la tendance générale ressentie sur le terrain.

Source INSTAD

Une économie fragile, des ménages vulnérables

La structure économique de Djibouti est à la fois dépendante des importations et centrée sur des services logistiques peu créateurs d’emplois pour les nationaux. Cette configuration rend le pays particulièrement vulnérable aux chocs extérieurs, et les consommateurs djiboutiens, captifs de fluctuations qu’ils ne maîtrisent pas.

L’absence de mécanismes d’indexation des salaires ou d’aides ciblées rend la population particulièrement exposée. Les filets sociaux sont faibles, et l’économie informelle – qui emploie une large part de la population – reste hors de tout cadre protecteur.

Un pouvoir d’achat en déclin silencieux

La Banque mondiale notait déjà en 2023 que le taux de pauvreté à Djibouti avoisinait les 17 % selon les estimations officielles – un chiffre contesté par plusieurs ONG qui parlent d’un taux bien plus élevé dans certaines régions intérieures. Avec une inflation parfois modérée mais un coût de la vie toujours jugé élevé, le ressenti général est celui d’un appauvrissement lent, mais constant.

La « déflation » n’a donc, pour beaucoup, rien changé. Pire : elle masque les véritables difficultés structurelles de l’économie djiboutienne, qui peine à redistribuer ses rares gains de croissance et à offrir des solutions concrètes aux travailleurs précaires.

Et après ?

Pour que les indicateurs macroéconomiques aient un sens tangible, le gouvernement djiboutien devra revoir en profondeur sa politique salariale et sociale. Un cadre d’indexation partielle des bas salaires à l’évolution des prix pourrait être envisagé. Mais surtout, un effort soutenu en faveur de la création d’emplois décents, de la régulation du secteur informel, et d’une véritable politique de soutien au pouvoir d’achat devient urgent.

Une croissance sans inclusion n’est qu’une façade. Et une déflation sans redistribution, un leurre.

 

 

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