Ethiopie : La crainte d’une nouvelle guerre au Tigré

Les affrontements internes au sein du Front de Libération du Peuple du Tigré (TPLF), parti au pouvoir dans cette région du nord de l’Éthiopie, alimentent les craintes d’un retour de la guerre. Des tensions internes exacerbées par la prise de la ville d’Adigrat par des miliciens fidèles au leader du TPLF, Debretsion Gebremichael, mettent à mal l’accord de paix fragile signé en 2022.

Le Tigré, qui a déjà été le théâtre d’un conflit sanglant entre 2020 et 2022, n’a toujours pas retrouvé la paix depuis la fin des hostilités. Le conflit, qui a coûté la vie à plus de 600 000 personnes et ravagé la région, avait semblé se clore avec un accord de paix signé à Pretoria, en Afrique du Sud. Mais plus de deux ans après la fin des combats, l’implémentation de cet accord reste incomplète, et des dissensions internes au sein du TPLF compliquent la situation.

Le 11 mars, l’administration régionale par intérim du Tigré (TIRA) a renvoyé trois hauts responsables des Forces de défense du Tigré (TDF), une décision non reconnue par Debretsion Gebremichael. Le lendemain, des groupes armés fidèles à ce dernier ont pris le contrôle d’Adigrat, la deuxième plus grande ville de la région. Les habitants de la ville redoutent un retour à la violence qui a marqué les esprits durant les deux années de guerre. Un habitant d’Adigrat a exprimé sa crainte de voir la situation dégénérer, notamment en raison de la proximité avec l’Érythrée, un voisin avec lequel les relations demeurent tendues.

Les tensions internes au sein du TPLF, et en particulier la rivalité entre Debretsion et Getachew Reda, le responsable intérimaire de l’administration tigréenne, aggravent encore la situation. Le 12 mars, ce dernier a appelé le gouvernement fédéral à fournir « l’assistance nécessaire » pour stabiliser la situation, bien que Getachew Reda ait précisé que cela ne devait pas inclure une aide militaire. Sur X, il a dénoncé depuis la capitale Addis-Abeba où il s’est refugié « un plan insensé visant à installer une faction illégale du TPLF au pouvoir ».

Dans ce contexte, la communauté internationale multiplie les appels à la désescalade. Les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Union européenne ont exhorté les différentes parties à dialoguer et à éviter un retour à la violence. L’ONU, par l’intermédiaire de son porte-parole Stéphane Dujarric, a également insisté sur l’importance de respecter les termes de l’accord de cessation des hostilités.

La situation au Tigré est d’autant plus préoccupante que la région est située à proximité de l’Érythrée, avec laquelle l’Éthiopie entretient des relations conflictuelles depuis des décennies. Bien que le prix Nobel de la paix ait été attribué en 2019 au Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed pour son rôle dans la normalisation des relations avec Asmara, les tensions ont refait surface après le conflit du Tigré.

Le climat de méfiance entre les deux nations est alimenté par des accusations réciproques, notamment après que l’Érythrée a dénoncé une « campagne intense de dénigrement » de la part de l’Éthiopie fin février. Un récent rapport a également révélé qu’une réunion aurait eu lieu en janvier à Asmara entre des responsables érythréens et des membres du TPLF proches de Debretsion Gebremichael, un signe que les relations entre l’Érythrée et certaines factions du TPLF pourraient se resserrer malgré leur antagonisme passé.

Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, reste pour l’instant silencieux sur les derniers développements, tandis que la communauté internationale scrute de près la situation, redoutant que la guerre ne reprenne dans cette région déjà fragilisée.

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