France–Djibouti : un traité militaire en urgence, au service d’une alliance stratégique… et politique

Paris, 18 avril 2025 – Le Sénat français examine actuellement, en procédure accélérée, le projet de loi autorisant la ratification d’un nouveau traité de coopération en matière de défense avec Djibouti. Ce texte, signé le 24 juillet 2024 à Paris, redéfinit les termes de la présence militaire française dans ce petit État de la Corne de l’Afrique, à un moment où la région est en plein bouleversement.

Avec près de 1 500 militaires stationnés à Djibouti, la France y maintient sa plus grande base en dehors de son territoire. Si ce traité actualise des éléments juridiques et logistiques vieux de plus de dix ans, sa ratification en urgence ne laisse aucun doute : il s’agit aussi d’un geste politique fort envers un régime de plus en plus contesté et isolé.

Un pouvoir sous pression, un allié qui rassure

Le régime du président Ismaïl Omar Guelleh, au pouvoir depuis 1999, fait face à une scène régionale instable et à un isolement croissant dans son environnement immédiat. Entre les tensions en Éthiopie, la militarisation de la mer Rouge, et la compétition féroce entre puissances étrangères (États-Unis, Chine, Turquie), Djibouti voit ses marges de manœuvre rétrécir.

Dans ce contexte, le soutien français agit comme un levier de légitimation pour le pouvoir en place. Par cette nouvelle ratification, Paris crédibilise et renforce un régime autoritaire, critiqué pour ses atteintes aux droits humains et son verrouillage politique. La coopération militaire devient ainsi un instrument diplomatique ambivalent, entre défense des intérêts stratégiques français et caution implicite d’un ordre politique contesté.

Un pari risqué pour la France ?

À l’heure où la France redéploie ses troupes hors du Sahel et cherche de nouveaux points d’appui sur le continent africain, Djibouti apparaît comme un îlot de stabilité… à condition de fermer les yeux sur certains aspects du régime. Cette stratégie, si elle permet une continuité opérationnelle, expose également la France à des critiques : celle de soutenir, au nom de la “stabilité”, des gouvernements peu soucieux de pluralisme démocratique.

Le projet de loi est toujours en cours d’examen au Sénat. S’il est adopté, il devra passer devant l’Assemblée nationale. Mais l’urgence dans laquelle ce texte est porté en dit long sur les priorités : consolider un bastion militaire, quitte à conforter un régime fragilisé.

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