L’Éthiopie, puissance régionale de la Corne de l’Afrique et deuxième pays le plus peuplé du continent, continue de poursuivre son ambition d’accéder à la mer Rouge. Depuis la perte du port d’Assab en 1998, suite à la guerre avec l’Érythrée, Addis-Abeba s’est retrouvée enclavée, dépendante du port de Djibouti pour son commerce maritime. Une situation que le gouvernement du Premier ministre Abiy Ahmed cherche à changer, au risque d’alimenter de nouvelles tensions régionales.
L’accord avorté avec le Somaliland
Début 2024, l’Éthiopie et le Somaliland avaient conclu un accord qui aurait permis à Addis-Abeba de louer un accès maritime sur le golfe d’Aden en échange d’une reconnaissance diplomatique du Somaliland, entité autoproclamée indépendante mais non reconnue internationalement. Cet accord a immédiatement provoqué la colère de la Somalie, qui considère le Somaliland comme une partie intégrante de son territoire.
Sous pression internationale et après des négociations menées en Turquie, l’Éthiopie et la Somalie ont finalement convenu d’enterrer l’accord. Toutefois, cette reculade ne met pas fin aux aspirations maritimes de l’Éthiopie, qui lorgne désormais sur une autre option : le port d’Assab en Érythrée.
L’option érythréenne : une poudrière en formation ?
Historiquement, le port d’Assab a joué un rôle crucial pour l’Éthiopie jusqu’au conflit de 1998, qui a abouti à l’indépendance effective de l’Érythrée. Depuis, Addis-Abeba a été contrainte d’utiliser le port de Djibouti, une dépendance coûteuse qui pèse lourdement sur l’économie du pays.
Ces dernières semaines, plusieurs rapports indiquent une montée des tensions entre l’Éthiopie et l’Érythrée. Des activités militaires inhabituelles ont été signalées des deux côtés de la frontière, et des rumeurs persistantes font état de rencontres secrètes entre le régime érythréen et des officiers du Front de libération du Tigré (TPLF), ancien ennemi d’Addis-Abeba.
Dans le même temps, des campagnes sur les réseaux sociaux diffusent le message selon lequel « Assab appartient à l’Éthiopie », renforçant les craintes d’une revendication territoriale qui pourrait déboucher sur une confrontation militaire.
Les Afars pris en étau
Les populations Afars, présentes des deux côtés de la frontière entre l’Érythrée et l’Éthiopie, se retrouvent au cœur des tensions grandissantes. Historiquement marginalisées et souvent ignorées dans les décisions politiques majeures, elles redoutent d’être les premières victimes d’un conflit potentiel entre les deux pays. Les forces de sécurité éthiopiennes ont intensifié leur présence dans les régions frontalières, et des affrontements sporadiques entre communautés ont déjà été signalés.
Vers une escalade militaire ?
L’analyse des développements récents pousse de nombreux observateurs à redouter une escalade militaire imminente. La fin de l’accord avec le Somaliland signifie que l’Éthiopie n’a pas résolu son besoin d’un accès maritime, et Assab reste l’option la plus viable stratégiquement. L’Érythrée, dirigée d’une main de fer par IsaiasAfwerki, ne semble pas prête à céder son territoire sans réagir, et les tensions entre les deux voisins n’ont jamais véritablement disparu depuis la guerre de 1998-2000.
Dans ce climat d’incertitude, la communauté internationale suit de près l’évolution de la situation. Une confrontation ouverte entre l’Éthiopie et l’Érythrée aurait des répercussions dévastatrices non seulement pour les deux pays, mais aussi pour toute la région de la Corne de l’Afrique, déjà fragilisée par des conflits internes et des crises humanitaires récurrentes.
Reste à savoir si la diplomatie pourra prévaloir sur les ambitions stratégiques et les tensions historiques.