Le 21 mars 2025, l’équipe nationale de football de Djibouti a subi une lourde défaite contre le Burkina Faso, s’inclinant 4-1 lors d’un match de qualification. Cette nouvelle débâcle sportive s’inscrit dans une longue série de résultats décevants pour les Djiboutiens, qui peinent à briller sur la scène internationale du football.
Depuis plus d’une décennie, le football djiboutien s’enlise dans des résultats désastreux qui interrogent, indignent et désespèrent les supporters. À chaque compétition internationale, l’équipe nationale enchaîne les défaites lourdes, sans jamais montrer de signes réels de progrès. Pourtant, ce naufrage n’est pas le fruit du hasard : il est la conséquence directe d’une gestion opaque gangrenée par la corruption au sein de la Fédération Djiboutienne de Football (FDF), dirigée depuis 2012 par Souleiman Hassan Waberi, un proche du président Guelleh.
Une présidence verrouillée malgré les scandales
Suspendu puis démissionnaire sans la moindre explication officielle en mars dernier, Souleiman Hassan Waberi avait été interpellé puis relâché, en compagnie de quatre cadres de la Fédération qu’il dirigeait depuis 2012, à la suite d’un audit commandé par le Secrétariat d’État aux Sports. Tous sont désormais soupçonnés de blanchiment d’argent et de détournement de fonds publics, sans qu’aucune mise en examen n’ait encore été prononcée, tandis que l’enquête, nourrie par un rapport accablant de l’Inspection générale de l’État, suit son cours.
Ce rapport met en lumière une gestion pour le moins désastreuse : absence de comptabilité conforme, manquements fiscaux répétés, usage excessif de paiements en espèces — plus de 500 000 euros entre 2021 et 2022 —, passation de contrats irréguliers, accumulation de dettes mal maîtrisées, favoritisme dans les marchés publics et contournement des procédures internes.
L’audit souligne également l’enlisement de projets d’envergure, notamment celui de l’académie de Douda, pourtant financée à hauteur de trois millions de dollars par la FIFA, mais toujours inachevée. La dégradation progressive des infrastructures et l’attribution douteuse d’un marché à la société Habone Construction.
Et pourtant, dans ce climat délétère, Souleiman Hassan Waberi a été réélu, en décembre 2024, pour un nouveau mandat de quatre ans à la tête de la Fédération. Une reconduction rendue possible par l’invalidation des candidatures de ses deux opposants déclarés, Farah Daher Barreh et Aden Robleh Rayaleh. Ces derniers ont d’ailleurs contesté la légitimité de la commission électorale, dénonçant la présence en son sein de deux membres apparentés au président sortant, en violation manifeste de l’article 3 du code électoral.
Cette réélection, véritable symbole d’un verrouillage institutionnel désormais sans fard, incarne la dérive d’une instance qui semble avoir trahi sa vocation première — le développement du sport national — au profit d’intérêts privés et d’ambitions politiques personnelles.
Des infrastructures inexistantes et des ambitions sacrifiées
À ce jour, la République de Djibouti ne dispose même pas d’un stade homologué par les instances internationales. Les rencontres « à domicile » se jouent systématiquement à l’étranger, dans des conditions précaires qui pèsent sur le moral des joueurs et compromettent leur préparation. Ce délaissement des infrastructures reflète l’indifférence des dirigeants vis-à-vis de l’encadrement de la jeunesse et du développement du sport.
Pourtant, un vent d’espoir avait soufflé sous l’impulsion de Julien Mette, nommé sélectionneur national. À force de rigueur, de discipline et d’organisation, il avait amorcé un redressement encourageant. Mais cette dynamique fut brutalement interrompue lorsque Mette fut évincé sans la moindre justification, victime d’un système plus soucieux de préserver ses privilèges que d’accompagner la réussite sportive.
L’urgence d’une réforme en profondeur
Aujourd’hui, la situation du football djiboutien est dramatique. L’équipe nationale est sans projet sportif cohérent, les jeunes talents fuient à l’étranger ou abandonnent leurs ambitions, et l’image du pays s’en trouve ternie sur la scène internationale.
Il est grand temps d’entreprendre des réformes structurelles profondes :
Instaurer une gouvernance transparente et démocratique au sein de la FDF ;
Construire des infrastructures modernes et durables ;
Investir massivement dans la formation, l’encadrement et le suivi des jeunes talents ;
Recruter des encadrants compétents, indépendants de toute pression politique.
À défaut de cette volonté de renouveau, Djibouti restera prisonnier d’un système rongé par la corruption, la médiocrité et l’incompétence, condamné à figurer éternellement parmi les nations les plus faibles du continent.
Et pourtant, le football pourrait être bien plus qu’un sport : un levier d’unité nationale, un symbole de fierté collective, un horizon d’espérance pour la jeunesse. À condition, toutefois, que ses dirigeants renoncent à leurs calculs personnels et redonnent au sport djiboutien la place qui lui revient.