LE MASSACRE D’ARHIBA (18 décembre 1991), UN CRIME DE GUERRE DEMEURE IMPUNI

Ce 18 décembre 2024 à Djibouti, rescapés, familles de victimes, militants, sympathisants ou tous djiboutiens épris de justice, commémoreront le 33ème anniversaire de la tuerie méconnue de “Arhiba”, du nom de ce quartier populaire de la capitale à majorité Afar, où plus de 59 personnes sans défense avaient été exécutées par les forces spéciales du régime dictatorial. Sur ordre d’Ismaël Omar Guelleh, l’actuel président de Djibouti, ce massacre était en fait une expédition punitive menée contre la population Afar de ce quartier, pour lui faire payer les pertes causées aux forces armées par la rébellion du Front pour la restauration de l’unité et de la démocratie (FRUD).

RAPPEL DES FAITS HISTORIQUES :

  • 6H00 du matin, le quartier d’Arhiba est totalement investi et encerclé par les forces armées djiboutiennes coalisées dans une action militaire sans précédent à Djibouti-ville d’environ 400 personnes en armes et équipements de guerre. Alors que l’essentiel des troupes d’assaut est placé en position de tir dans les tranchées, dans les tanks, sur des Jeeps et sur des vedettes, le groupe des policiers Afars sans armes munis de gourdins, est chargé de convaincre leurs frères de sang avec lesquels ils engagent le dialogue. Parallèlement, les « crânes rasés » issus de la mobilisation générale vident tous les civils de leurs cases en cartons et les rassemblent sur le terrain vague.

  • 7H00 : Les premiers lève-tôt d’Arhiba II, sortis de chez eux, sont aussitôt embarqués dans des camions mis à la disposition des forces de l’ordre par les entrepreneurs privés qui se trouvent alignés au sud du quartier. Après triage, le groupe ciblé est isolé du reste et une partie est embarquée dans un premier camion.

  • 7h15 : les rafles continuent. Les forces armées tirent de leurs huttes, hommes, femmes et enfants, les regroupent par dizaines en les faisant asseoir parterre, et une fois le nombre suffisant pour contenir un camion, le chauffeur approche du secteur et l’on embarque tout le monde. La cité étant étendue sur 3 à 4 km, une scène identique à celle ci se déroule à plusieurs endroits, couvrant ainsi, tout Arhiba II.

  • 7h30 : Sur un des « points de’ rassemblement » d’Arhiba II, certaines personnes ne se contentant pas de l’explication facile donnée par les hommes en uniforme selon laquelle il ne s’agirait que d’une simple “vérification d’identité”, elles voudraient comprendre et demandent des explications. Ne pouvant supporter plus longtemps cette situation macabre, un policier Afar se détache du rang, dans un dernier élan de solidarité ethnique, déconseille vivement aux futures victimes de se laisser déporter en demandant d’opposer une résistance passive. Pour son geste, il sera sommairement abattu par ses collègues de la FNS au cours de la fusillade.

Voyant leur plan dévoilé et devant le refus des civils de monter dans le camion, les forces armées s’apprêtent dès ce moment, à tirer sans sommation sur tout ce qui bouge. Ayant remarqué des mouvements qui contrarient le plan initialement établi, les forces armées qui s’étaient préparées à l ‘éventualité d’une réticence de la part des civils, reçoivent l’ordre d’exécuter sur place leur plan : l’acte d’extermination qu’elles devaient accomplir ailleurs.

Elles ouvrent le feu sans sommation sur une foule sans défense (femmes, enfants, vieillards) qui tombe comme des mouches, tués à bout portant. Dès les premières rafales, une panique folle s’empare très logiquement de toute la population d’Arhiba II et aux quatre coins de la cité, loin de contenir, les forces de l’ordre tirent è vue.

La chasse à l’Afar commence, un déluge de feu s’abat sur les civils, une course poursuite abominable s’organise. À pied ou en véhicule tout terrain, les forces de l’ordre s’en donnent à cœur joie. « Un safari humain. »

FAIT ÉLOQUENT

Trois policiers, Kalachnikov aux poings, font irruption dans l’École Primaire Public d’Arhiba dont le Directeur est sommé sous la contrainte par un vif et bref échange de propos, de faire sortir ces classes les élèves (probablement pour les exposer au carnage prévu).

Le Directeur de l’École n’a pas manqué, malgré la menace, de leur faire observer qu’il y va de sa responsabilité professionnelle de mettre en sécurité les élèves et qu’il ne peut satisfaire leur dangereuse requête aussi longtemps que les armes ne se seront pas tues à Arhiba. Pendant ce temps, les deux autres policiers s’introduisent dans les classes où ils n’hésitent pas à tirer plusieurs rafales créant une panique généralisée tant parmi les enseignants que parmi les élèves qui fuient à toutes jambes.

  • 7h45 : Un hélicoptère de l’armée française survole les lieux du massacre, panique cette fois coté tueurs, par la crainte des caméras que les Français n’ont certainement pas manqué de sortir pour un tel flagrant délit. Au premier passage, les tireurs cessent la fusillade, certains ont le ridicule réflexe de se cacher derrière les maisons, mais continuent à pourchasser les rescapés dès que le Puma s’éloigne.

Au second passage, les “chasseurs” décident de se retirer et maquillent le chiffre réel du carnage en s’empressant d’entasser dans deux camions un maximum de cadavres.

Combien de morts ?

Impossible à dire avec précision, les témoins oculaires les plus optimistes chiffrent à 50 cette cargaison funeste. Le convoi se -dirige vers la ville, les hommes en uniforme quittent enfin Arhiba.

  • 8H00 : Les habitants d‘Einguela constatent que le terrain vague des Salines qui s’étend au Nord d’Arhiba est lui aussi quadrillé par les hommes de la FNS, à la hauteur du chantier saoudien jusqu’aux Théâtres des Salines. Toutes les routes menant à Einguela sont bloquées par les agents de la circulation et ni piétons ni véhicules ne passent.

Certains observateurs constatent qu’un long convoi de véhicules militaires qui assure l’encadrement, se dirige vers le secteur bouclé.

BILAN DU MASSACRE

33 corps abandonnés sur le terrain vague, 7 personnes décédées à l’hôpital Peltier le lendemain des suites de leurs blessures, 7 corps retrouvés le 19 en mer à marée basse, 12 corps que les forces de l’ordre ont emportés, Soit un total de 59 morts dont 47 ont été enterrés.

N.B. Les impacts de balles relevés sur les blessés nous autorisent à penser qu’il y avait plusieurs groupes de tireurs et que nombreuses étaient les personnes en train de fuir lorsqu’elles ont été atteintes par les projectiles.

Ainsi, 50 % des survivants sont atteints au dos, 30% de face et 20 % de côté.

De plus, il a pu être dénombré environ 300 blessés dont 70 seulement furent admis à Peltier, une dizaine à l’hôpital militaire français alors que les autres ont été soignés par leurs propres familles de peur de représailles éventuelles.

LISTE DES PERSONNES DISPARUES LE 18.12.1991 :

1. HAMAD IBRAHIM SAID

2. YASSO KATHE ALI

3. ALI IBRAHIM MOURRA

4. NIBALLEH ADEN MOHAMED

5. DAOUD MOHAMED ALT

6. ABDALLAH HANAD OMAR

7. SAID HAMADOU GAAS

LISTE DES PERSONNES TUÉES LORS DU MASSACRE D’ARHIBA

Corps découverts sur place

1. ALI ADAM AHMED

2. AHMED MOUMINE BAGUILA

3. HABILE MOUMINE BAGUÏLA

4. GANIBO IBRAHIM YASSO

5. ALI MOHAMED WEO

6. ADAM DIHIBO MOUSSA

7. MOHAMED ALI OMAR

8. ALI ALELOU ASSOWE

9. BERO DAOUD ANGADE

10. OMAR MOHANED KABADE

11. ABDALLAH YAYO IBRAHTM

12. HASSAN ALI ABOUBAKER

13. MALIK ALI MAHAMED

14. HASSAN ABDOU ABOUBAKER

15. ALI ABDALLAH GOURATE

16. SABOLI ABDALLAH GAAS

17. ALI KABIR MANDEITOU

18. NOUMANE MOHAMED ABDALLAH

19. ALI SAID MOHAMED

20. MAHAMED MOUSSA WAAYE

21. ALI HOUSSEIN HARSSOU

22. ALI CHEIKO HAMAS

23. ADAM CHEIKO HAMAD

24. MOHAMED ALI HOUSSEIN

25. HASSAN FILADERO HASSAN

26. IDRISS LALE ALI

27. MOHAMED OSMAN IBRO

28. OSMAN MOHANED IBRO

29. SAADA AHMED

3O. ALI ARERO ALI

31. MISERA BOUCHRA CHOUMA

32. SALIHA MOHAMED ALT

33. ALI ADAM ALI

Corps retrouvés à marée basse

34. HOUSSEIN IBRAHIM MOHAMED

35. KILO YASSIN ALI

36. MAHAMEISSE DINBIHISSE ALI

37. ALI HAMAD DOULA

38. HERE ALI YASSO

39. FOSSEYA MOHAMED OSMAN

40. HASNA SAID MOHAMED

Corps retrouvés à l’hôpital Peltier

41. OSMAN YOUSSOUF

42. HASSAN HAMID

43. ABDOULKADER MOHAMED ISSA

44. ARISSO ONDE ARISSO 45.MOHAMED MOUSSA MOHAMED

46. MOHANED ALI AHMED

47. MOHAMED HOUMED MOHAMED

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