Le massacre oublié de Mafaydal, 60 ans après.

C’était un jeudi matin de fête religieuse, jour de la Nativité islamique. Les villages d’Erer, de Mullu et de leurs environs, y compris Mafaydal, furent les cibles d’une milice financée et soutenue par l’État somalien récemment indépendant. Les assaillants, animés par une haine féroce, pillèrent et massacrèrent sans pitié les habitants. Le bilan fut effroyable : plus de 500 personnes furent tuées en quelques heures, et 25 000 têtes de bétail volées.

Cette attaque méthodiquement orchestrée visait à anéantir les populations semi-nomades Afars. Jusqu’alors, les conflits entre les Afars et les Issas, un clan parlant la langue somalienne, étaient limités à des disputes locales pour des pâturages, du bétail ou des actes de banditisme isolés. Cependant, la guerre entre l’Éthiopie et la Somalie qui éclata en 1964 au sujet de l’Ogaden conféra une dimension ethnique à ce conflit pastoral.

Sur les ondes de la chaîne Afar Voice, Hasna Ali, rescapée de ce pogrom, partage difficilement ses souvenirs de cette tragédie six décennies plus tard. “Certains assaillants, horrifiés par le bain de sang, rebroussèrent chemin en réalisant qu’ils tuaient des coreligionnaires,” raconte-t-elle. De nombreux miliciens somaliens avaient été trompés sur la nature de leur mission, croyant qu’ils allaient combattre des infidèles animés par des sentiments jihadiques.

Un lourd silence sur les atrocités

Le massacre de Mafaydal demeure l’une des pires tragédies subies par les Afars. L’écho de cette tuerie fut tel que des milliers d’Afars des localités d’Errer, Mullu, Afdem et Asbuli prirent la fuite vers l’ouest, cherchant refuge dans les agglomérations de Gawani, Gadamaytou et Awash. En l’absence de commission d’enquête et face au silence assourdissant des autorités éthiopiennes, les auteurs de cette atrocité ne furent jamais inquiétés. Aucun rapport détaillant les faits ne fut établi, laissant cette tragédie largement méconnue et occultée par l’histoire officielle.

La mémoire de ce massacre et les souffrances endurées par les Afars sont essentielles pour comprendre les complexités du conflit dans la Corne de l’Afrique et pour promouvoir la paix et la réconciliation dans la région. Il est crucial de briser le silence et de faire la lumière sur ces crimes afin que les victimes puissent enfin obtenir justice et que les générations futures puissent apprendre des erreurs du passé.

Le massacre de Mafaydal n’est pas seulement un souvenir douloureux, c’est un rappel poignant des dangers des tensions ethniques non résolues et de l’importance de la mémoire historique dans la construction d’un avenir pacifique.

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