L’aliénation culturelle du peuple Afar : entre spoliation du droit coutumier et discrimination systémique
Le peuple Afar, peuple millénaire, ayant traversé plusieurs formes de gouvernance universel et inclusif des peuples voisins et outre-mer, historiquement réputé pour sa résilience et son attachement à ses traditions, fait face à une aliénation culturelle grandissante. Cette aliénation trouve ses racines dans la spoliation et la manipulation de son droit coutumier, instrumentalisé par un pouvoir central qui perpétue une discrimination systématique et systémique à son égard.
La spoliation du droit coutumier : une stratégie de dépossession identitaire
Le droit coutumier afar, fondé sur des règles ancestrales régissant la justice, la résolution des conflits et la gestion des terres, est progressivement vidé de sa substance. Les institutions de l’État central imposent des lois qui se substituent à ces mécanismes traditionnels, reléguant les chefs coutumiers au rang de simples figures symboliques. Cette spoliation du droit coutumier va de pair avec une politique d’appropriation foncière qui prive les Afars de leurs terres ancestrales, essentielles à leur mode de vie pastoral.
Le système de gouvernance mis en place empêche toute prise de décision autonome des autorités traditionnelles afars, les contraignant à une dépendance administrative vis-à-vis d’institutions étatiques qui leur sont souvent hostiles. Ainsi, ce qui était jadis un droit naturel des Afars à gérer leur propre justice et leurs ressources se transforme en un contrôle rigide exercé par des intérêts étrangers à leur culture.
La manipulation politique : une instrumentalisation des structures communautaires
La manipulation politique du peuple Afar repose sur une récupération opportuniste de ses structures communautaires. L’État tente de diviser la communauté en cooptant certains leaders locaux, les utilisant comme relais de son propre pouvoir au détriment des intérêts de la majorité. Cette stratégie vise à neutraliser toute forme de résistance collective en encourageant des rivalités internes, rendant plus difficile une mobilisation politique unie.
De plus, les Afars sont largement sous-représentés dans les institutions de l’État, que ce soit au niveau politique, économique ou administratif. Les postes de responsabilité sont systématiquement confiés à des personnes extérieures à la communauté, consolidant ainsi la marginalisation politique des Afars et leur exclusion des décisions qui les concernent directement.
Une discrimination systémique et systématique : une politique d’effacement identitaire
La discrimination dont sont victimes les Afars ne se limite pas à la sphère politique et juridique, elle s’étend à tous les aspects de la vie sociale et économique. L’accès aux services publics de base, tels que l’éducation et la santé, est fortement limité dans les régions à forte population afar. Les infrastructures y sont insuffisantes, les programmes scolaires ne prennent pas en compte l’histoire et la langue afars, et l’accès aux soins de qualité est restreint.
Sur le plan économique, la communauté afar est volontairement marginalisée. Les opportunités d’emploi et de développement sont captées par des groupes favorables au pouvoir, maintenant les Afars dans un état de pauvreté chronique.
L’élevage nomade, pilier de l’économie traditionnelle afar, est menacé par des politiques gouvernementales qui favorisent l’expansion d’intérêts tribale Issas avec l’installation de colonies Issas d’Ethiopie sous couvert camp de réfugiés (projets financés par l’IGAD et organisations européennes) dans le sud du pays, en pays Afar au détriment des modes de vie pastoraux.
Un cas emblématique : la contestation autour de la reconnaissance du patrimoine immatériel afar
Le président de l’Assemblée constituante du Conseil du Dar Dar (Sultanat) de Tadjourah, M. Houmed Barkat, a publiquement dénoncé le retrait de la Madqa de la liste des éléments à inscrire au patrimoine immatériel de l’UNESCO. Seul le XeerCissa a été présenté pour représenter le patrimoine immatériel de Djibouti, occultant ainsi l’existence du peuple Afar sur ce territoire.
Face à l’indignation générale dénonçant cette discrimination à l’égard du droit coutumier afar, l’UNESCO aurait demandé à l’État de Djibouti de procéder à l’inscription de la Madqa. Toutefois, une conférence improvisée fut organisée en marge du Festival de Tadjourah, initialement un événement folklorique, afin de donner l’illusion d’une adhésion collective au travail du ministère de la Culture.
Cependant, cette conférence ne rassembla que les organisateurs du festival, des praticiens du droit coutumier afar venus d’Éthiopie, des membres du gouvernement djiboutien et Moussa Ali Iyeh, porteur du projet XeerCissa. Les spécialistes reconnus du droit coutumier afar, tels que Dr Aramis Soule et Dr Adawa Hassan, ainsi que les praticiens de la Madqa à Djibouti ayant exprimé des réserves quant à cette récupération politique, en furent exclues.Mais aussi un long répertoire d’expert en Droit et spécialiste en Droit coutumier Afar.
Un peuple en lutte pour sa survie culturelle
Face à cette aliénation culturelle orchestrée par le pouvoir, le peuple Afar se retrouve confronté à un défi existentiel. La reconnaissance et le respect des droits des Afars passent par une réhabilitation de leur autonomie culturelle et politique, la fin des discriminations systémiques et la garantie d’une véritable justice sociale.